JEAN-PAUL

JEAN

Incroyable !..J'ai rarement été touché au cœur comme ça ! Ce garçon me fait tourner la tête !

Est-ce que j'ai une chance avec lui ?.. Je ne sais plus comment faire...

Ah bravo !.. moi, l'homo assumé, me voilà perdu pour un frais minois dont j'ignore même les préférences !.. Tout en moi hésite, il y a bataille dans ma tête entre celui qui veut séduire, qui offre son plus beau sourire et fait vibrer ses yeux... et celui qui s'inquiète et a peur d'inquiéter, qui parie sur le sérieux et l'attente, à peine sourire, contrôler son regard pour ne pas effrayer.

Face à Paul, je me demande si je sais encore qui je suis...

Ce serait ça, le coup de foudre ?

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PAUL

Cher journal, comme disent les jeunes filles, est-il ridicule à vingt ans de t'avoir acheté et de te rédiger ?.. Je ne m'en sens pas très fier, mais il me faut poser des mots.

J'ai vingt ans depuis deux mois et je me rêve grand garçon.

Ma mère murmure que j'ai toujours été tellement sensible, mon père hurle que je ne deviendrai jamais un homme, et moi je balance au bord du gouffre de l'âge adulte.

J'ai refusé jusqu'ici toute question sur mon orientation sexuelle. On peut être un joli garçon aux longs cils sans mettre en péril sa masculinité, sourit ma mère, et je l'ai crue, et je la crois. Je suis sorti avec des filles que j'ai embrassées à pleine bouche et j'en ai pénétré quelques-unes, enfin un peu de virilité grogne mon père, et je l'ai cru, et je le crois. Pas de questions. Surtout.

On me trouve rougissant parce que je suis timide, on me trouve sensible car j'ai une âme artiste, on me trouve peureux alors que je suis diplomate.

J'ai vingt ans depuis deux mois et ces certitudes sont en train de s'effriter dans mon cerveau.

La tentation me vient d'accuser Jean, bien sûr, de tenter l'explication d'une œuvre perverse dont je serais victime.

Mais je ne puis être dupe de moi-même à ce point !

Devant Jean, mon émoi est total. Je rougis dès qu'il sourit, j'évite son regard comme s'il pouvait prendre empire sur moi, mon souffle est court, et il est même arrivé que la tête me tourne.

Aucune fille, jamais, n'a déclenché en moi un tel chavirement.

Cela m'oblige à un flash-back douloureux où je me vois sans grand élan avec Linda, Dorothée, Samantha et quelques autres. Heureux de montrer une fille à mon bras, mais avec comme un silence au fond du cœur.

… Ce cœur qui tape comme un fou, s'emballe, s'arrête, fait un bruit de tempête, depuis que Jean a croisé ma route et s'arrange, semble-t-il, pour la croiser souvent.

Serait-ce ça, l'amour ?

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Jean et Paul font Jean-Paul, toi moi et nous.

Et pourquoi pas ?

À Périgueux, le 21/11/2019