La peur a enfanté l’enfant-loup des cités qui rejoint, à la nuit, ses frères de désespoir.
Regarde l’enfant-loup des longues forêts hurlantes,
Futaies acérées de barbelés empoisonnés,
L’humus prisonnier du bitume,
Des gerbes de fleurs sans parfum, sans racines, sur les tombes alignées.
Enfant-loup silencieux à l’heure du plein soleil.
Juke-box, intox, cris et murmures, hurlements et messes basse,
Hauts-parleurs, porte-voix, pas un seul chant d’oiseau libre,
Hululements nocturnes des ascenseurs blindés.
Dans les nuits égoïstes, l’écho des hurlements s’amplifie, rebondit aux angles durs.
On ne se salue pas dans les couloirs obscurs.
Puanteur des poubelles, des haleines mêlées et d’angoisse et d’alcool,
Le goût de désespoir qu’a la première cigarette, au matin blafard.
Les paumes tendues de l’enfant-loup, aveuglé de solitude,
Ne caressent que le poli, craquelé par larges plaques, des linoléums visqueux
Et le froid rêche du béton, armé de désespoir.
La meute est réfugiée dans l’antre du parking, le ventre du building.
Les buses de béton sont enfouies dans le sol, ne sauront pas tout l’infini du ciel,
Les étoiles sont gommées par les spot-lights acides, les néons triomphants,
C’est aujourd’hui la pleine lune, du désir et de la chair à vif.
15/11/81