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J'ai cris - J'écris

J'ai cris - J'écris

J'ai cris... J'écris... depuis bien longtemps... Jamais publiée... jamais dans "la ligne éditoriale"... Mauvaise, alors ?.. peut-être... ou pas... Voici donc quelques textes venus de mon cœur, de mon âme, et puis de mon travail aussi, stylo et clavier... A vous de décider ce que vous en pensez !


TOUT AU BOUT DE L'ERRANCE

Publié par Cat L sur 25 Août 2016, 13:31pm

Il peut arriver qu’un sac à dos pèse plus lourd que le monde et vous scie les épaules et vous casse le dos. Il peut arriver que la lumière se soit enfuie de ton regard. Il peut arriver que la vie te rattrape, t’écrase, te lamine.

Quand on sort de prison, tout a un goût de cendres.

Bien sûr, il pleut.

Peut-être qu’un gardien regarde encore par le judas la silhouette mince qui lui tourne le dos. Tout a un goût de cendres et pour longtemps un regard étranger et mauvais te vrille les omoplates.

Et Richard fait ses premiers pas sur cette longue route qui mène de la prison à la vie.

Il sait bien, au fond de lui, qu’il n’a droit qu’à l’errance. Que le monde l’a effacé.

Il est paria, perdu, presque fugitif.

Il est nomade, comme ses ancêtres dont il ne sait rien sinon qu’ils protégeaient leur visage d’un chèche bleu.

Il ne sourit pas.- Le sourire est une des premières choses qu’on te vole en prison- Il s’applique simplement à poser un pied, puis un autre, sans trop courber le dos.

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Passent ainsi les jours de grande solitude.

Richard retrouve peu à peu le pas dansant du routard, ses genoux s’assouplissent, sa foulée se fait plus ample. Mais son visage, lui, est frappé du sceau de la prison, il est masque italien, blanc et immobile.

Son regard seul vit encore, c’est peut-être pourquoi il le cache et passe les yeux baissés.

Mais si ses yeux rencontrent les tiens, ils te lacèrent au plus profond.

Désespérance. Comme une blessure pantelante ouverte en plein milieu de la poitrine. Tant de silence et de hurlements, tant de puanteur et de coups, entre les murs de la prison. Reste cette béance, à la place du cœur. C’est sans doute ce que dit le regard. Qui parle aussi de la colère et de la rage. Alors Richard baisse les yeux.

Et il marche. Sans fin. Sans espoir et sans but

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Il y a longtemps, dans sa vie d’avant, Richard avait des amis, des oublis, des rêves et un amour. Mais les amitiés, les amours et l’espoir ne résistent que dans les films à la grande déchéance carcérale.

Ceux du dehors ont oublié Richard, l’homme dont le regard changeait, dont les gestes s’étriquaient, dont les silences faisaient peur, si lourds qu’ils étaient de rageuse douleur.

Alors le prisonnier a verrouillé au fond de lui tous ses rêves d’enfant, ses petits miracles personnels et sa foi sans raison. A englouti ses espoirs sous les hurlements et le grincement des grilles. S’est fait dur comme jamais un homme ne le fut. Et s’est entraîné à l’oubli.

Première errance en solitaire que ce voyage en désespoir, bien avant la sortie de prison.

Et aujourd’hui il marche, sans relever les yeux.

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Après la grande ville est venu le temps des routes secondaires.

Richard réapprend les couleurs de l’herbe en même temps que les douleurs du corps qui marche. Sa tête tourne un peu aux parfums vespéraux, il respire plus ample aujourd’hui que la veille. Il marche.

Il achète du pain, il cherche les fontaines ou demande de l’eau dans les cafés, il vole un peu, il cueille des fruits sur son chemin, bientôt il n’aura plus du tout d’argent.

Il dort sous des pommiers, caché dans une grange, au cœur d’une forêt. Il pisse sous les étoiles, il ne parle guère à personne, il avance sans espoir et sans but.

Un jour, il tend le pouce sur le bord de la route, tout en marchant, le dos tourné. Passent plusieurs autos, quelques cycles et même un tracteur avant que ne s’arrête une voiture poussive au conducteur sans préjugés.

La destination étant sans importance, Richard va jusqu’au bout du voyage et découvre ainsi de nouveaux trottoirs citadins.

Mais l’errance la pire est bien celle du cœur, qui ne bat que par habitude et vogue sur la vie sans y réinventer aucun sentiment.

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Et puis il y eut une nuit. Une nuit noire et glauque dans le recoin souterrain d’un parking. Une nuit de béton.

Richard dort, recroquevillé à l’angle le plus obscur, de loin tas de chiffons à chevelure brune.

Rugissent les moteurs, des phares trouent la nuit à intervalles irréguliers. Ca pue l’essence, les gaz d’échappement et la peur.

Richard dort comme un fauve, ou comme un prisonnier.

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Et dans son cœur une lumière jaillit. Quelque chose de très doux qui revient de très loin, comme un parfum qu’on croyait oublié et qui soudain fait renaître un visage, un sourire.

Sur un arpège de guitare, une voix vibrante murmure un long poème qui devient mélodie. Les mots en sont brouillés par le bruit des autos mais parfois l’un d’entre eux, joyau hors de la fange, scintille sur la musique, et Richard alors reconnaît la chanson et la voix.

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Il y a si longtemps. C’était une promesse comme un matin en fleurs. Pas un serment qui vous ligote mais un lien sans blessure. Une petite demoiselle qui avait toute confiance en lui, malgré tout, et qui voulait si fort être son amie. Une âme-sœur, sans aucun doute. Cadeau rare de la vie que cet entêtement forcené et si tendre. Qui ne demande rien. Ils avaient connu des moments incroyables, le temps et la distance ne pouvaient rien à cette amitié-là. Elle disait que Richard lui avait dévoilé le cristal de son cœur, le meilleur de lui-même, et qu’à cause de cela leur histoire n’aurait jamais de fin. Elle disait que leur union venait du fond des âges et du meilleur des cieux. Longtemps elle lui avait écrit, à des adresses volées au minitel. Peu à peu, ses lettres avaient évolué vers une acceptation sans faille de tout ce qu’il pourrait devenir, y compris dans son refus féroce de jamais lui répondre.

Richard avait eu peur d’une telle force de certitude.

Et puis sa vie n’était pas simple.

Voici plus de dix ans qu’il a décidé un silence total.

Il a presque réussi à oublier la petite fille folle.

Et puis il y a eu la prison. Au fond de son cœur cadenassé, plus rien ne paraissait survivre de cette histoire.

Toute tendresse, d’ailleurs, avait été assassinée.

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Et la voici, dans cette nuit.

Tout au bout de l’errance, dans la puanteur et le bruit, au plus profond des silences du cœur, dans le recoin le moins humain d’une ville sous terreur, voici qu’apparaît son sourire.

Et la chaleur de ses promesses ressuscite doucement l’indicible, rend la vie à un cœur paria, réinvente des couleurs pour ses rêves.

Ame-sœur, plus têtue que l’oubli, crochetant les verrous intimes à force de tendresse, la revoici quand on croyait la mort partout. La revoici, murmurant « Cela est, et nous sommes cela. »

Richard s’éveille.

Richard, l’homme dur comme jamais un homme ne le fut, découvre sur ses joues une pluie salvatrice, une eau salée et tiède qui le réconcilie au monde en faisant croître sa tendresse.

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Il restera nomade. Mais il n’est plus errant.

Richard se met en route.

Sur son chemin l’attend un sourire paisible, qui n’a pas tort d’avoir confiance, et qui lui donne un rendez-vous, pour demain ou pour une autre vie.

Fort de cette certitude, de ce miracle partagé, il se remet en marche. Réchauffé à ce feu qui ignore la brûlure, il sait qu’il pourra réinventer la route de sa vie.

Ses foulées sont souples et amples.

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Ses yeux regardent droit devant.

( à la Guibaudie, en Avril 1996)

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Commenter cet article
J
Un long chemin vers la lumière
Répondre
C
Oui.<br /> Merci.<br /> Bonne soirée.<br /> Cat
J
Un long chemin vers la lumière
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E
Bonsoir <br /> Marché Sans fin sans espoir et sans but pas facile en sortant de prison et réinventer la route de sa vie merci pour ta participation bonne soirée Evy
Répondre
C
Merci à toi, passe une douce nuit.

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