Julien nage dans une eau turquoise, peuplée de poissons et de naïades. Il glisse parmi les couleurs ondoyantes des nageoires et des écailles, dans une eau tiède et anisée. Des coraux verts et des algues orangées chatoient sous son ventre Une musique douce pleut des nuages rosés. Il se sent merveilleusement en harmonie avec cet environnement irisé et paisible.
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Et puis il y a eu cette perforation sonore, ce vacarme pulsatile. L'harmonie a volé en morceaux.
Une sirène a ricané un hurlement terrible, ses cheveux devenaient des serpents, ses yeux étaient rouges tout à coup, et terrifiants. Les coraux se sont hérissés de tessons acérés. Et ça hurlait toujours, sporadiquement, violemment.
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Julien a ouvert les yeux. Le radio-réveil indiquait 03H02. Il faisait un peu froid dans la chambre, et très sombre. Ca hurlait encore, ça ne cessait que pour reprendre, ça vrillait la nuit à intervalles.
Il a attrapé le téléphone, le hurlement s'est enfin tu.
Dans son oreille une voix susurrait " Allo, monsieur Gouget… ici la clinique des Fargues… votre mère est décédée, monsieur Gouget… je suis désolée, mais il fallait bien que je vous appelle n'est-ce pas… elle est partie d'un coup… votre maman est morte, monsieur Gouget… allo, monsieur Gouget… ici la clinique des Fargues…"
Alors Julien a posé le combiné et attrapé une plaquette de gros comprimés blancs, comme préparés sur sa table de nuit.
Il a prié un peu pour que reviennent les naïades dans l'eau turquoise.
Il a avalé les cachets. Il a replongé au profond du sommeil.
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Ce sont les pompiers qui ont trouvé le corps mercredi.
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On n'a fait qu'une seule cérémonie d'obsèques.
Les deux cercueils étaient côte à côte dans la nef.
A Périgueux, le 11 Mars 2005